29 novembre 2022, par MARIE-SOLEIL BRAULT, Le Soleil
Pour ne pas se retrouver les mains vides à la saison estivale 2023, hôteliers et restaurateurs doivent déjà préparer le recrutement des travailleurs étrangers, pressent des intervenants du milieu.
Même si la neige vient tout juste de couvrir la province de son manteau blanc, la période de recrutement à l’international est déjà entamée pour l’été 2023. Et les employeurs ne doivent pas perdre de temps s’ils désirent rapatrier les bras nécessaires pour répondre à la demande touristique et locale.
«Il est évident que si les démarches sont entreprises en janvier ou février, il va être trop tard. Les travailleurs sélectionnés n’arriveront pas à temps pour la saison estivale», estime Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association Restauration Québec (ARQ).
Et pourquoi? Car les délais de recrutement peuvent prendre de six à huit mois. «Et [un délai] de huit mois est beaucoup plus réaliste que de six», complémente Véronyque Tremblay, présidente-directrice générale de l’Association hôtellerie Québec (AHQ).
Les deux intervenants précisent toutefois que plusieurs exploitants ont déjà le nez dans la paperasse. Mais pour ceux qui n’ont pas encore amorcé les démarches, le temps file.
«Ils ont jusqu’aux Fêtes pour procéder s’ils veulent avoir quelqu’un pour l’été prochain, et encore, ça va être serré», note Mme Tremblay.
Une recommandation partagée par Immijob, une plateforme d’accompagnement, développée par le cabinet d’avocats spécialisés en immigration Immétis, qui permet de répondre aux besoins de nombreux employeurs québécois tels que les restaurateurs. Quotidiennement, l’entreprise reçoit près de 80 curriculum vitae.
Natacha Mignon, avocate spécialisée en droit de l’immigration et mobilité internationale au sein du cabinet, rappelle que «le Québec ne sera pas en mesure de fournir la main-d’œuvre pour ces métiers pour la saison prochaine. Il y a donc vraiment une anticipation des délais à prévoir pour que ça se passe bien».
Une nouvelle réalité en cuisine
Le Québec étant la population mondiale la plus vieillissante après le Japon, la pénurie ne risque pas de se résorber demain matin.
Et l’impact se ressent directement en cuisine. Les métiers de bouche, comme les qualifie l’avocate, sont de plus en plus demandés.
«Ça va du chef exécutif, au chef cuisinier, au serveur jusqu’au plongeur. Il y a de la demande pour tout. Ce qu’on voit sur Immijob c’est que les sociétés ne réservent plus seulement le recrutement à l’international pour les postes très qualifiés. Elles vont maintenant investir dans le recrutement à l’international même pour des postes moins qualifiés, qui sont nécessaires dans une cuisine.»
Les employeurs peuvent s’attendre à débourser entre 2000 et 5000$ par tête, chiffre Natacha Mignon.
Martin Vézina affirme également que le souhait de plusieurs restaurateurs est de pouvoir allonger les heures d’ouverture, qui ont été raccourcies au cours des dernières années, faute de personnel. Certains établissements ont même carrément fermé leurs portes certains jours de semaine, précise-t-il.
Et pour bonifier l’offre de service et répondre aux touristes qui risquent d’arriver en grande masse dans quelques mois, les travailleurs étrangers temporaires sont maintenant presque l’unique et seule solution.
«Les restaurateurs cherchent à la grandeur de la province. Le choix de l’exploitant d’aller vers des travailleurs étrangers temporaires, ce n’est pas le premier, deuxième ou troisième choix, c’est rendu un des seuls bassins qui nous reste.»
Et ce n’est pas de gaieté de cœur, ajoute-t-il, «car les délais sont longs et c’est très coûteux de prendre cette voie-là».
Des délais et des maux
L’industrie hôtelière a fait plusieurs appels au gouvernement du Québec afin d’accélérer la délivrance des permis de travail.
«Et une fois qu’ils sont ici, que les demandes de résidence permanente soient accélérées également pour qu’ils puissent rester», souligne Véronyque Tremblay, qui rappelle que dans le secteur hôtelier, le manque de personnel tourne autour de 15% et parfois plus.
«On n’est pas le seul secteur affecté, mais nous sommes celui le plus affecté. L’hôtellerie et la restauration au Québec et au Canada sont les secteurs économiques les plus touchés par la pénurie de main-d’œuvre.»
Et si Mme Tremblay convient que ces cris du cœur ont été entendus, les changements tardent à arriver. La présidente-directrice générale de l’AHQ demande des actions concrètes et non seulement l’étude de pistes de solution.
«L’an dernier, on a vécu une belle saison, mais on a manqué de personnel dans nos hôtels. Et on en manque encore. Et probablement que l’année prochaine, les touristes internationaux vont revenir encore en plus grand nombre. Donc, il faut être prêt.»